dimanche 30 octobre 2011

LES TROIS FLECHES ANTIFASCISTES

Clarifications et précisions concernant l'histoire et notre utilisation des trois flèches


Les trois flèches sont un des symboles que nous arborons sur notre site et dans la rue. Des camarades nous ont fait remarquer à plusieurs reprises que nous arborions un « symbole de la SFIO » et donc en profitent pour nous qualifier de « sociaux-démocrates ». Nous n'entendons pas nous justifier de l’utilisation des trois flèches par le présent article, mais apporter quelques précisions et quelques pistes de réflexion. Nous entendons dépasser et dénoncer le jugement manichéen des gauchistes : « méchant » ou « gentil », qui va de pair avec le jugement avant-gardiste qui attribue bons et mauvais points à tout va, tout en méconnaissant les contextes et l’histoire.


Quelques points historiques et de contexte.

La grande famille du Socialisme se divise en plusieurs petites familles rassemblées autour de stratégies différentes pour arriver à la destruction du capitalisme et instaurer le socialisme et l'émancipation individuelle et collective du peuple. Deux grands groupes se font alors face : les « révolutionnaires » et les « réformistes » (nous nous attacherons d'abord à ces derniers).

Bien loin du cliché d'aujourd'hui où chacun qualifie de « réformiste » tout ce qui est plus modéré que ce qu'il pense, le réformisme historique est un véritable courant socialiste de transformation sociale et d'inspiration marxiste. Il a pour stratégie le passage au socialisme par étapes et dans un processus pacifique. Il entend ainsi éviter un affrontement avec la bourgeoisie. Cette vision de la construction du socialisme par étape a conduit les réformistes à privilégier la conquête des institutions, celles-ci devant se mettre au service de réformes destinées à réduire le pouvoir de la bourgeoisie au profit du prolétariat.
C'est pourquoi les partis et organisations se définissant aujourd'hui comme « révolutionnaires », « anticapitalistes », ou encore « d'extrême-gauche », mais qui en même temps se présentent sur une quelconque liste pour des élections, à commencer par l'échelle locale ou municipale, ne sont en aucun cas « révolutionnaires » : ils sont réformistes, au sens historique du terme. Le réformisme a échoué par son manque d'action pour faire naitre une contre-société prolétarienne. Pire, plus il s'est engouffré dans la collaboration avec la bourgeoisie libérale sur le plan institutionnel pour des alliances contre des forces plus réactionnaires sur le même échiquier, et plus son « socialisme » s'est transformé en libéralisme, pour tenter de créer un « capitalisme à visage humain ». C'est le cas aujourd'hui de tous les « partis socialistes » européens.

La vraie crise du réformisme intervient d'ailleurs en 1973 avec le coup d'Etat de Pinochet au Chili. Le président Salvador Allende et son parti socialiste authentiquement réformiste pensaient abattre le capitalisme par une succession de réformes mises en œuvre par l'Etat et appuyées par le peuple. Lors du coup d'Etat militaire, le gouvernement refusa de donner les armes au peuple et condamna ainsi son régime, et son peuple, au massacre et à la dictature.

Opposés à la stratégie réformiste, les « révolutionnaires », qui sont eux-mêmes divisés en plusieurs groupes selon deux configurations stratégiques et organiques : les révolutionnaires d'organisations politiques - partis (marxistes, libertaires) et les syndicalistes révolutionnaires (dont les Redskins Limoges se sentent les plus proches).

Création du symbole des trois flèches

Origine

Revenons donc à nos trois flèches. Même si on ne sait pas précisément d'où elles viennent, Serge Tchakhotine en a revendiqué la paternité. Ce menchevique (marxiste-réformiste russe) s'exile de Russie vers l'Allemagne suite à la prise du pouvoir par les bolchéviques (léninistes - révolutionnaires de parti). Membre du SPD (Parti Social-Démocrate Allemand), il en devient vite le théoricien pour ce qui est de la psychologie de masse. Il tient aussi ce rôle au sein de la classe ouvrière elle-même, car le SPD bien que réformiste était un authentique parti ouvrier. Il est le premier dans cette théorie à étudier et analyser le choc et l'influence psychologique que le nazisme a sur les masses via la symbolique (issue notamment des mythologies guerrières germanique, scandinave et romaine).
Évidemment, avant lui, des expériences similaires ont déjà été pratiquées au sein du mouvement ouvrier (notamment en Italie contre les fascistes de Mussolini). Des groupes prolétariens armés, les « Arditi del popolo », ont utilisé une symbolique ouvrière guerrière comme leur symbole de tête de mort ornée d'une couronne de laurier et le glaive rougeoyant entre les dents (symbole que nous avons également repris).

Serge Tchakhotine est donc l'un des initiateurs de la propagande moderne dans un contexte très tendu de guerre idéologique entre révolutions socialistes et réactions fascistes.
A partir du début des années 1920, l'Allemagne est plongée au cœur de la propagande nazie, copiée sur le modèle fasciste italien. Cette nouvelle propagande, issue du mouvement artistique « futuriste » italien, frappe les sens et empêche la réflexion critique d'individus immergés dans une symbolique paramilitaire (uniformes, défilés, drapeaux, hymnes, propagande guerrière antique...).
Tchakhotine est convaincu que si le prolétariat veut assurer la victoire finale contre le capital et son bras armé fasciste, il faut contrer Hitler et les nazis sur leur propre terrain : la sollicitation émotive des masses. C'est là que des symboles sont créés pour contrer les croix gammées et les autres symboles ésotériques nazis. Les trois flèches deviennent le plus populaire d'entre eux, car elles forment un symbole simple à faire, en ayant vocation à barrer de trois traits sur les murs la propagande nazie.
Dans le même élan, le SPD et le KPD (Parti Communiste Allemand) créent leurs propres organisations ouvrières d'autodéfense armée et paramilitaires : la Reichbanner et le Rotefrontkampferbund (« front de combat rouge ») comprenant de multiples sections locales et régionales coordonnées, comme le « Front d'Airain », pour se protéger des agressions.

C’est un succès immédiat. Les nazis commencent à subir des raclées dans les rues, les locaux syndicaux et prolétariens défendent chèrement leur peau face à leurs assaillants. Mais le Parti Social-Démocrate, bien qu'engagé sur ce terrain armé, maintient en parallèle sa vision réformiste malgré la situation grave qui est en train de se jouer. Les dirigeants refusent d'appliquer à l'échelle du parti les procédés de contre-propagande conseillés par Tchakhotine, isolant petit à petit les groupes ouvriers qui se battent dans la rue et laissant la victoire au nazisme mieux structuré et plus convaincu qu'une fois que les rues sont contrôlées c'est toute la société qui l'est.
Tchakhotine organisa avec ses propres ressources, contre l'avis de son parti, la propagande dans certaines régions d'Allemagne ; c'est là où les trois flèches furent les plus utilisées, par des sections dissidentes du SPD partisanes des conseils de Tchakhotine et de l'action armée. Comme il y avait encore en parallèle des élections, ce sont ces régions où le SPD fut largement devant le NSDAP (Parti National-Socialiste des Travailleurs Allemands).
Les trois flèches, devenues populaires dans le combat antifasciste, furent alors reprises et généralisées par le SPD pour maintenir les sections « opposantes » (celles fidèles aux préceptes de Tchakhotine) au sein du parti.

La signification

Bien que créées par un social-démocrate, les trois flèches n'ont pas été LE symbole de la social-démocratie, elles ont été imaginées pour pouvoir être utilisées massivement dans la rue par tout militant opposé au nazisme. Simples à faire et à comprendre, elles servaient à barrer rapidement la propagande nazie.
Outre cette vocation, elles avaient un sens particulièrement psychologique : leur orientation allait d'en haut à droite frappant en bas à gauche. Tchakhotine voulut sans doute créer ce symbole pour montrer à la classe ouvrière, et au peuple en général, qu'un pouvoir supérieur au nazisme, plus organisé, plus discipliné, pouvait l'anéantir.
Les trois flèches constituent donc un symbole guerrier marquant un combat frontal et violent, loin de l'image pacifiste du réformisme. On peut aussi y associer des mots d'ordres ternaires comme « Pain, Paix, Liberté », ou alors souvent arboré « Unité, Activité, Discipline », ou encore aujourd'hui avec notre mouvance « Liberté, Egalité, Solidarité ».

Malgré l'éloignement de Tchakhotine, dénonçant la passivité de la direction devant les évènements, le SPD s'est réapproprié le logo des trois flèches sur des affiches de propagande électorale, dont une célèbre où l'on voit une flèche frappant la royauté et l'empire, la deuxième le nazisme, et la troisième le marxisme-léninisme (plus exactement le stalinisme, même si le symbole marteau-faucille arboré n'est pas le symbole de Staline). Car il faut rappeler que Staline était alors à ce moment bien installé sur son trône autoritaire.

Concernant la SFIO (Section Française de l'Internationale Ouvrière)

A propos de la SFIO maintenant, qui arbora également les trois flèches dans les années 30 via les exilés socialistes et communistes allemands. Il faut savoir que ce n'est pas non plus la tendance la plus modérée de la SFIO qui importe et diffuse ce logo, mais la plus radicale, celle qui se définit comme marxiste mais anti-stalinienne.

Tchakhotine, après avoir quitté l'Allemagne, s'exile au Danemark, puis arrive en France au printemps 1934 où il adhère à la SFIO, dans la fédération de la Seine. C’est là qu’il rencontre Marceau Pivert et ses militants qui forment la tendance la plus radicale au sein de la SFIO. Ces derniers deviennent très vite adeptes des conceptions de Tchakhotine concernant l'autodéfense armée pour le prolétariat. La SFIO, très majoritairement réformiste, est mise devant le fait accompli suite à l'émeute fasciste de février 1934. Les pivertistes poussent à la création de milices ouvrières de défense et de services d'ordre armés. Les TPPS (« Toujours Prêts Pour Servir ») voient le jour suite à ça, ne respectant pas les directives du parti et se chargeant de nettoyer le département en attaquant les meetings, les défilés et les apparitions publiques de l'extrême-droite, aux côtés des jeunesses communistes et des militants de la CGTU. C'est d'ailleurs ce qui concrétisera en partie le rassemblement des différentes forces de gauche, en 1936, impulsé par les sections jeunes activistes antifascistes des différentes organisations se retrouvant lors d'actions coups de poing.

Le logo des trois flèches se généralise donc dans et par la Fédération de la Seine, qui signe avec ce symbole les affiches et les tracts sous influence de Marceau Pivert. Ce dernier crée en 1935 la tendance « Gauche Révolutionnaire » à l'intérieur de la SFIO et est élu dirigeant de la fédération départementale. Les trois flèches deviennent en France le symbole de la tendance pivertiste. Celui-ci dénonce la stratégie électorale du Front Populaire et préconise un Front fondé sur le combat social et les organisations ouvrières.
Suite à la victoire du Front Populaire en juin 1936, il exhorte Blum à rompre avec le capitalisme, mais ce dernier, réformiste, est méfiant vis-à-vis du monde ouvrier et de cette grève générale qui est en train de l'obliger à prendre directement les mesures sociales d'exception promises lors de sa campagne.

Déçu par la politique trop modérée de Blum, Marceau Pivert rompt avec la SFIO en 1937 et crée le PSOP (Parti Socialiste Ouvrier-Paysan). On peut trouver une certaine ressemblance avec le BOC catalan (Bloc Obrer y Campesino – Bloc Ouvrier et Paysan) créé par les Comités Syndicalistes Révolutionnaires espagnols, qui donnera le POUM (Partido Obrero de Unificación Marxista – Parti Ouvrier d'Unification Marxiste). D'ailleurs, beaucoup de militants du POUM exilés d'Espagne suite à la défaite contre les franquistes rejoindront en France le PSOP de Pivert qui oscille entre marxisme anti-autoritaire et réformisme radical (sans compromis). Le parti sera interdit et dissout sous le régime collaborationniste de Vichy en 1940.

Notre utilisation aujourd'hui

Après ce petit côté historique des trois flèches, nous en arrivons donc à notre utilisation aujourd'hui.
Tout d'abord, les Redskins Limoges sont d'orientation révolutionnaire et anti-autoritaires. Seulement « d'orientation », parce que nous ne nous considérons pas comme une fin en soi. Nous n'avons pas la prétention comme d'autres collectifs ou groupes antifascistes de se revendiquer « anticapitalistes », tout simplement parce que ce n'est pas notre rôle.
Etre « anticapitalistes », c'est être organisés dans une structure de classe qui peut assumer et assurer la lutte de classes au quotidien avec comme objectif la destruction du capitalisme. Nous ne sommes qu'une petite structure informelle et activiste temporaire, notre but étant au travers de notre engagement dans les organisations de classe, de gagner celles-ci à la nécessité de s'organiser en force de combat massive antifasciste et de classe.
Nous nous sommes réappropriés le logo guerrier des trois flèches, non pas pour saluer les idées social-démocrates de Tchakhotine, mais pour saluer ses initiatives dans le domaine de l'autodéfense prolétarienne, parce qu'il est le premier à l'avoir structurée et propagée massivement. Nous revendiquons cet héritage des Arditi del Popolo et des formations prolétariennes d'autodéfense contre le fascisme et le capital ; il est donc important pour nous que les trois flèches ne tombent pas dans l'oubli et ne soient pas uniquement vues par l'apport réformiste de l'organisation qui se les est appropriées. Les trois flèches sont en dehors de l'idéologie de celui qui les a créées, un moyen simple, rapide et efficace de contrer la propagande fasciste et réactionnaire dans les rues.

De plus, les sections redskins/RASH qui utilisent le plus ce symbole aujourd'hui sont le RASH Bogota et le RASH Roma, largement composées de militant-e-s léninistes et marxistes-léninistes, c'est à dire opposé-e-s à la stratégie social-démocrate. On ne peut donc comparer l'utilisation des trois flèches aujourd'hui à de la propagande SFIO ou « social-démocrate ». Ces organisations se les sont appropriées à une époque donnée, les trois flèches sont tombées dans l'oubli, à nous aujourd'hui de les remettre au devant de la scène avec nos propres valeurs suivant les conseils de Tchakhotine en matière d'antifascisme.

Issu du site des Redskins Limoges


mardi 4 octobre 2011

SAMEDI 8 OCTOBRE - CONCERT ANTIFA AU PAYS BASQUE NORD


A l'affiche:

-The Oppressed (Oi! Sharp)
-Tommy Gun (Oi! Bilbao)
-Skaeitan (Ska Gipouzkoa)
-Street Poison (Punk Paris)
-Tortuga Sound (Sound System)

Le concert sera précédé d'un débat l'après-midi sur, entre autres : 
- la multiplication et la coordination des groupes néo-fascistes en Europe
- les thématiques sociales et organisationnelles reprises à l'ultra/extrème gauche par certains groupes d'extrème droite
- quels moyens de riposte pour les antifascistes radicaux?
- etc, ...